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Thibaut Cuisset, paysagiste photosensible

Le photographe Thibaut Cuisset est décédé le 19 janvier dernier à l’âge de 58 ans. Le travail du célèbre paysagiste français, dont la Collection Société Générale possède huit tirages, est toujours à l’affiche de la Fondation Fernet-Branca (Alsace).

 

De grands formats fendus d’une ligne d’horizon, tantôt distincte tantôt brouillée, et une impression d’homogénéité, de sérénité. Des espaces urbains et périurbains, des campagnes, des déserts, des montagnes, des rivages. Des images immobiles. Non : silencieuses. À bien y regarder, ils se meuvent – lentement certes –, les paysages de Thibaut Cuisset. Régions, couleurs et saisons y défilent paisiblement comme à travers une vitre, celle d’un train ou d’une voiture. Peut-être le train ou la voiture qui le conduisait une fois par an, enfant, depuis son nord natal jusqu’au sud des vacances estivales, ce sud dont la lumière l’éblouira irrémédiablement.

 

Était-ce là le début d’une vocation ? Ce que l’on sait, c’est que le photographe opte pour le genre du paysage – alors tombé en désuétude – et pour la couleur – alors incompatible avec toutes prétentions artistiques – lors d’un voyage au Maroc en 1985. Derrière leur apparente tranquillité, les paysages de Thibaut Cuisset défilent à l’époque à contresens. Banals, à première vue sans qualités, ils le rapprochent tout de même du courant New Topographics américain des années 1970 et, surtout, de la Mission photographique de la DATAR à laquelle sont associés des noms comme Raymond Depardon ou Gabriele Basilico.

 

Le succès ne se fera pas (trop) attendre. En 1992, Thibaut Cuisset est pensionnaire à la Villa Médicis et présent aux Rencontres d’Arles. Les voyages s’enchaînent : l’Égypte, le Venezuela, l’Australie, la Suisse, l’Espagne, l’Italie, la Grèce, le Japon, la Turquie, l’Islande, la Namibie, la Russie, la Syrie et, bien sûr, la France prendront la suite du Maroc. Commandes, bourses et résidences lui permettent de vivre de ses explorations ; expositions et publications se succèdent tandis que ses œuvres gagnent des collections prestigieuses telles que celles de la BnF, du Centre Pompidou ou de la MEP. En 2009, c’est vingt-cinq ans de carrière au service du paysage que le Prix de Photographie de l’Académie des Beaux-Arts vient couronner.

 

 À l’autre bout du monde ou dans sa rue, à Montreuil, Thibaut Cuisset disait partir « en campagnes ». Des campagnes qui pouvaient durer des semaines voire des mois. En voiture, à 20 kilomètres à l’heure, à pied surtout, jusqu’à dix heures par jour, il fouillait patiemment et méthodiquement le monde, armé de sa chambre et de son trépied. Son rythme était celui des paysages qu’il photographiait, lentement modelés par l’homme et le temps. Il en tirait des tableaux discrets, sans effets, pensés pour la contemplation.

 

 Cette sobriété, cette homogénéité, Thibaut Cuisset les obtenait en travaillant à midi ou par temps gris, lorsque la lumière nivelle ou enveloppe les plans et les couleurs. Animé par la recherche de la distance juste, fuyant tout autant l’exotisme que le pathos, il ne s’offusquait pas d’être qualifié de classique. Débarrassé de tout présupposé, son regard était englobant, empathique, bienveillant. Un regard que l’on peut encore adopter, jusqu’au 12 février, à la Fondation Fernet-Branca (Alsace) où sont réunies vingt années de paysages français, et qui devrait reparaître, courant 2017, sous forme d’expositions et de publications.  

 

Aurélie Laurière

 

 À voir > à la Fondation Fernet-Branca, 2, rue du Ballon, Saint-Louis.
 Jusqu’au 12 février 2017, du mercredi au dimanche de 13h à 18h.