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Hommage à Takis, le sculpteur des champs magnétiques

Takis, figure clé de l’art cinétique dont la Collection possède une œuvre, Electromagnétique n°6, est décédé le 9 août dernier à l’âge de 93 ans, quelques jours seulement après le Vénézuélien Carlos Cruz-Díez. Retour sur une carrière qui a traversé le XXe siècle, ses avants-gardes artistiques et ses avancées scientifiques.

 

Né Panayotis Vassilakis en 1925 à Athènes, celui qui se fera rapidement appeler Takis commence à sculpter dès 1946, lorsqu’il apprend les techniques ancestrales du travail de la pierre auprès d’artisans grecs. L’histoire accidentée de la Grèce en ce milieu de siècle – occupation nazie, guerre civile – et ses engagements politiques, dans la Résistance puis dans des mouvements de jeunesse de gauche, le contraignent à partir pour la France au milieu des années 1950. Toujours pétri de culture antique, admirateur de Picasso et Giacometti, il fréquente l’atelier d’un Brancusi déjà âgé, mais délaisse rapidement les matériaux traditionnels pour le métal. Paris, c’est en effet la découverte des avants-gardes – il fréquente notamment les auteurs américains de la Beat Generation William S. Burroughs et Allen Ginsberg – mais surtout celle des antennes et des radars, avatars d’une modernité qui le fascine lors d’un passage à la gare de Calais.
 
Celui que Marcel Duchamp surnommait le « gai laboureur des champs magnétiques » y trouve des modèles de choix qui lui inspirent ses fameux « Signaux ». Ces longues tiges de fer surmontées de pièces mécaniques lui valent une notoriété quasi immédiate. Elles posent les jalons d’un style à la fois à la pointe de la technologie et singulièrement poétique et inspireront le développement de l’art cinétique, qui prend son essor dès les années 60. Évoluant autour des galeries de Denise René ou d’Iris Clert aux côtés d’artistes comme Jean Tinguely ou Yves Klein, il accumule trouvailles et découvertes, se passionnant pour l’énergie électromagnétique qu’il utilise dans ses « Télésculptures », envoyant le poète Sinclair Beiles dans l’espace six mois avant Youri Gagarine lors d’une performance, puis ajoutant progressivement à ses créations électricités, son et lumière. Électron libre, proche de l’art cinétique, donc, mais aussi des Nouveaux Réalistes et de Fluxus, il a créé de nombreuses œuvres pour l’espace public, dont les 49 feux multicolores qui ornent l’esplanade de La Défense depuis la fin des années 80.
 
Au carrefour de l’art et de la technologie, de la stabilité et du mouvement, du concret et de l’intangible, il a tout au long de sa carrière élaboré une véritable « magie scientifique », pour reprendre ses termes, qui réenchante notre rapport au monde. Si après l’effervescence des années 60-70, l’intérêt du public pour ces recherches artistiques avait pu diminuer, depuis les années 2000, c’est en tant que pionnier qu’il a été salué lors de grandes expositions monographiques organisées par des institutions telles que le Palais de Tokyo ou la Menil Collection de Houston aux États-Unis. Et en ce moment-même et jusqu’au 27 octobre se déroule au Tate Modern de Londres la plus grande exposition qui lui a jamais été consacrée aux Royaume-Uni. Preuve que même si toute une époque semble toucher à sa fin – celle du Paris du milieu du XXe siècle et de ses innovations artistiques –, son héritage et ses apports à l’histoire de l’art ne sont pas près d’être oubliés.
 
C. Perrin