Ulla von Brandenburg en 5 temps
Aquarelles vaporeuses, accrochages fantomatiques et espaces oniriques : Ulla von Brandenburg est à l’honneur au MRAC à Sérignan. L’artiste allemande, finaliste du Prix Marcel Duchamp 2016 et dont la Collection possède l’éthéré "Freunde", y a en effet élaboré "L’hier de demain", une exposition à l’échelle du lieu. Trajet en cinq étapes dans une œuvre protéiforme et résolument théâtrale.
Lever de rideau
Tentures, voiles frémissants d’un mouvement invisible, toiles de fond, rideaux : comme une invitation à passer de l’autre côté du miroir et à entrer dans l’imaginaire, le textile est un fil rouge dans l’œuvre d’Ulla von Brandenburg. Grâce à sa malléabilité et sa richesse symbolique, on le retrouve dans tous les médiums qu’elle mobilise ; installations, peintures, films, sculptures et découpages. Transportable, modulable et métamorphosé par les usages et le temps, il trace des limites mouvantes, des seuils à passer, un aller et retour permanent entre illusion et réalité.
Coulisses
Car ce sont bien les rapports entre ces deux polarités qu’Ulla von Brandenburg interroge. Nourrie des réflexions de la psychanalyse et de la littérature tout comme des explorations de l’hypnose, de la magie et du spiritisme, elle évoque et floute les frontières jusqu’à ce qu’elles fondent, pareilles aux couleurs et aux coulures des portraits à l’aquarelle de femmes célèbres ou d’artistes de cirque qu’elle présente en séries. On les outrepasse, aussi, pour accéder aux coulisses, que ce soit celles de l’inconscient ou, plus littéralement, celles du théâtre et de la création.
Scène d’exposition
Scénographe de formation, Ulla von Brandenburg met en effet à profit cette expérience en multipliant les allusions au monde du théâtre, ses conventions et ses symboles, et à la scène, ce lieu où fiction et réalité se superposent. Ainsi, dans l’installation Eigenschatten, le visiteur se trouve pris entre une série d’objets hétéroclites, accessoires – cordes, costumes, bâtons, cerceaux – attendant leur entrée en scène, et leurs ombres portées imprimées sur des tentures sombres par décoloration à la chlorine ; entre la matière et l’image, le réel et son double.
Décor
Comme sur la scène du théâtre, la frontière entre ce qui fait partie de l’œuvre et le reste de la salle disparaît dans le travail de l’artiste. Le lieu qui accueille l’exposition se métamorphose. Livres, objets-talismans et cartes postales trouvent leur place parmi les dessins et les sculptures. Des tentures colorées recouvrent le white cube désormais en vigueur et font allusion aux couleurs franches de la muséographie du XIXe siècle. De ce même passé semblent subsister les traces fantomatiques de tableaux désormais décrochés… Totalisante, la démarche d’Ulla von Brandenburg rejoint celle de la quête de l’œuvre d’art totale menée par les artistes romantiques puis tout au long du XXe siècle.
Final
Et c’est peut-être dans le film C, Ü, I, T, H, E, A, K, O, G, N, B, D, F, R, M, P, L exposé à la toute fin de l’exposition que cet idéal est exprimé dans son essence, offrant une synthèse du travail de l’artiste, de ses médiums et de ses thèmes de prédilection. Étoffes ondoyantes comme autant de jupes, voix ensorcelante et présence spectrale : Ulla von Brandenburg y joue de la présence et de l’absence – présence de la voix qui récite la suite de lettres qui donne son titre à la pièce, elles-mêmes seuls vestiges d’un poème de Wislawa Szymborska ; absence du corps qui pourrait mettre le tissu en mouvement – et y représente le monde liminal où elle situe toute son œuvre.
À voir > au Musée régional d'art contemporain Occitanie/Pyrénées-Méditerranée, 146 avenue de la plage, Sérignan
Du 17 février au 2 juin 2019 de 10h à 18h du mardi au vendredi et de 13h à 18h le week-end
www.mrac.laregion.fr