Qui êtes-vous Jean-Baptiste Perrot ?
Jusqu’au 11 avril à la galerie ALB, Jean-Baptiste Perrot dévoile sa série Video Game Glitches dont la Collection Société Générale possède une pièce depuis 2016, Video Game Glitch_GTA0173. Timing parfait pour rencontrer le sympathique artiste parisien. Entretien.
Vous souvenez-vous de votre rencontre avec l’art ?
Je me souviens d’un événement fondateur. En 1996, à l’occasion d’une exposition au musée d’art moderne de la ville de Paris, je suis tombé sur l’œuvre d’un artiste que je ne connaissais pas et qui m’a subjugué : une toile de Gerhard Richter qui m’a mis en lien avec l’art abstrait de manière très forte et instinctive.
Comment rejoint-on le champ artistique quand on a fait des études d’économie ?
Quand je suis arrivé à Paris après mes études, je ne connaissais quasiment pas l’art contemporain. J’ai eu la chance d’être accompagné par quelqu’un qui me l’a fait découvrir par le biais des galeries. À ce moment-là, j’ai compris que l’imaginaire visuel qui m’habitait depuis l’enfance était un formidable terreau pour s’exprimer artistiquement.
Votre série Video Game Glitches est actuellement exposée à la galerie ALB. Qu’est-ce qu’un video game glitch ?
Video game signifie jeu vidéo et glitch est un terme difficilement traduisible ; c’est un défaut, un genre de bug dans l’image numérique.
J’ai toujours joué d’une représentation de l’image altérée, d’abord par la matière, ensuite au moyen d’appareils photo numériques défectueux. J’ai alors découvert qu’une théorie avait été élaborée sur le défaut de l’image numérique du nom de glitch. Puis, je me suis aperçu qu’il existait dans le jeu vidéo une pratique d’archivage des défauts appelés également glitches.
Je ne suis pas un gamer mais les univers graphiques créés par les défaillances à l’intérieur du jeu m’ont intéressé. Et puis surtout, j’ai compris que les gens qui archivaient ces défaillances, le faisaient pour communiquer des possibilités d’action différentes de celles envisagées par les scénaristes du jeu. Je recollais alors à mon thème de prédilection : la question du déterminisme et du libre arbitre.
Vous vous soumettez à des protocoles rigoureux mais vous vous autorisez beaucoup de liberté dans le choix des techniques employées ; ici du fusain sur papier scarifié au scalpel. Qu’en est-il du déterminisme et du libre arbitre plastiques ?
Deux types d’informations interviennent dans mon processus de création. J’ai d’un côté une pensée que j’essaie d’exprimer, et de l’autre, des désirs d’images à réaliser et de médiums à expérimenter. À partir du moment où les deux s’accordent, j’entre dans un deuxième processus qui est celui de maîtriser les techniques en jeu pour finaliser le projet.
C’est vrai que j’aime être protocolaire dans la réalisation de mes pièces. Une fois que tout est réglé, peuvent alors survenir des accidents qui viennent souvent révéler le fond de mon propos…
Avec vous, on passe souvent d’une image numérique à une image physique, artisanale presque.
En tout cas une image humanisée et qui ramène aux sens. Non pas que je n’aime pas l’image véhiculée par un écran d’ordinateur mais mon désir est de l’incarner.
La question des sens est importante. Le fait d’allier des techniques disparates conduit d’ailleurs le spectateur à s’interroger sur la manière dont l’œuvre a été produite ; s’il se pose cette question, c’est qu’en amont, il a fait le chemin d’être happé émotionnellement par ce qui est proposé. Et d’une certaine manière, l’amener à se questionner sur la technique permet d’engager un dialogue, de l’amener sur le terrain du fond.
Propos recueillis par Aurélie Laurière
À voir > à la galerie ALB, 47 rue Chapon, Paris 3e. Jusqu’au 11 avril 2018, du mardi au vendredi de 13h à 20h, le samedi de 11h à 19h. Rendez-vous possibles en dehors de ces horaires.
Images : Jean-Baptiste Perrot, Video Game Glitch_GTA0173, GTA0454, GTA1213 et GTA1566.
© Jean-Baptiste Perrot.