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Marc Riboud, reporteur d'humanité

Décédé à l'âge de 93 ans des suites d'une longue maladie, Marc Riboud (1923-2016) ferme l'une des dernières pages de la photographie humaniste d'après-guerre, dont il était certainement le représentant le plus accessible. Son œuvre en noir et blanc voyage à travers le XXème siècle.

 

On gardera de lui l'image de cette jeune militante offrant une fleur à des soldats américains, cet hymne pacifiste d'un réalisme tendant à l'universel. Ce fils de famille nombreuse vouée à un avenir prestigieux – deux de ses frères deviendront respectivement PDG de Danone et de Schlumberger – attrape le virus de la photographie à 14 ans. A 30 ans, son entrée à l'agence Magnum, aux côtés de Henri Cartier-Bresson et Robert Capa, l'arrache définitivement à son destin (paisible et bourgeois) d'ingénieur. Sa première publication dans le magazine Life –  le cliché d'un ouvrier faisant danser son pinceau, accroché à la Tour Eiffel – le rendra définitivement célèbre. Très vite, ses reportages dépassent les rives d'une Europe trop étroite pour lui. L'Inde, la Turquie, le Japon, la Chine sous l'ère Mao (la passion d'une vie), puis les zones de conflits, comme le Nord-Vietman – il est l'un des seuls photoreporters à oser y poser sa caméra. L'ancien résistant s'arme de noir et blanc (auquel il restera fidèle) et d'une sensibilité vive pour retranscrire la liesse de l'Indépendance algérienne. Voyager. Capter « la vie la plus intense ». « Beaucoup marcher et beaucoup regarder ». Ne pas négliger l'humour.  Maintenir le regard libre, loin de tout conformisme. Telles sont ses obsessions.

 

Epris d'indépendance, il finit par quitter Magnum en 1979 après en avoir assuré deux ans la présidence. Puis ce sera la Pologne, l'Iran, l'Afrique du sud post-apartheid. Ses dernières campagnes le conduiront aux Etats-Unis, pour immortaliser la victoire de Barack Obama, à Shanghai (encore) et au Tibet. En 2012, le Prix Nadar récompense Vers l'orient, un ouvrage réunissant des clichés de jeunesse. On retrouve ses photos aussi bien au musée – la Maison de la photographie à Paris l'expose à plusieurs reprises – que sur les papiers glacés des magazines grand public. Marc Riboud vise juste pour toucher large, et révèle à l'histoire sa poésie. D'où une popularité constante. Ses vues de la "montagne jaune"– dont la collection Société générale possède un très beau tirage – rappellent au loin celles du Mont Fuji, défi du grand Hokusai. Comme le célèbre peintre de l'ukiyo-e, Marc Riboud saisit l'humain dans son rapport au paysage ; c'est lui qu'on devine entre brume et verticalité rocheuse. L'humanité dans la focale, toujours.


Céline Piettre