Les pionnières de l’abstraction brillent dans la Collection
Le musée du Luxembourg rend en ce moment hommage aux femmes qui ont fait les avants-gardes du début du XXe siècle avec l’ambitieuse exposition « Pionnières – Artistes dans le Paris des années folles ». Souvent occultées par leurs confrères masculins, parfois tombées dans l’oubli, elles n’en ont pas moins joué un rôle central dans le bouillonnement artistique d’où ont émergé les grands styles de la modernité, du fauvisme au cubisme et du surréalisme à l’abstraction. La Collection n’est pas en reste et recèle elle aussi d’œuvres de femmes artistes qui, au sein de cette émulation parisienne et sur plusieurs décennies, ont écrit des pages mémorables de l’histoire de l’abstraction.
Une nouvelle donne
« Le moyen naturel d’exprimer le monde »
Au cours des Trente glorieuses, l’abstraction est résolument implantée dans le monde de l’art et ses grandes prêtresses sont reconnues et souvent exposées. Elles sont plusieurs à s’illustrer dans l’abstraction géométrique, qu’Aurelie Nemours voyait comme « l'expression capitale du XXe siècle ». Née en 1910 à Paris, après un passage par l’atelier de Fernand Léger, Aurelie Nemours adopte peu à peu un style minimaliste volontiers austère où l’abstraction se fait le lieu d’une quête métaphysique, comme le montre par exemple sa série « Rythme du millimètre ». Même vision existentielle de l’abstraction chez Geneviève Claisse , de vingt-cinq ans sa cadette, qui déclarait « J’ai trouvé dans l’abstraction le moyen naturel d’exprimer le monde ». Montée à Paris à vingt ans à peine, elle consacre sa carrière aux figures géométriques, notamment au cercle, dont elle explore dans les années 1960 toutes ses potentialités. Vera Molnár enfin, née en 1924 en Hongrie, arrive à Paris au début des années 1940 et s’y consacre à des tableaux où règnent la ligne, le cercle et le carré ; la rigueur, et une touche de désordre. Encouragée par nulle autre que Sonia Delaunay, elle poursuit ses recherches pendant des décennies, pour aboutir plus récemment à des toiles comme « Deux carrés découpés en M » où brille son amour professé de la simplicité.
Une créativité sans limites
C’est aussi dans les années 1940 que l’Américaine Shirley Jaffe s’installe à Paris. Pratiquant d’abord un expressionnisme lyrique marqué par l’action « gestuelle », elle s’en éloigne pour s’attacher à une abstraction plus volontiers géométrique elle aussi, mais n’y renonce jamais : en résulte une œuvre rythmée et colorée, à l’image de « Green Stripes » ou « Saturdays ». Mais si l’abstraction ne se limite pas aux formes géométriques, elle ne s’arrête pas à la peinture non plus : Marta Pan , née en Hongrie mais Parisienne à partir des années 1940 également, le prouve avec ses sculptures aux formes souples et pures. Fascinée par le mouvement, elle a été toute sa vie en quête d’harmonie, de l’essence des choses : un mot d’ordre qu’auraient pu adopter toutes ces pionnières, et dont une descendance nombreuse peut se réclamer...
C. Perrin
À voir > Dans les tours Société Générale au 17 cours Valmy à Puteaux du lundi au vendredi de 9:00 à 18:00
> Exposition « Pionnières – Artistes dans le Paris des années folles » au Musée du Luxembourg,
19 rue Vaugirard à Paris du 2 mars au 10 juillet, du lundi au dimanche de 10h30 à 19h, nocturne le lundi jusqu’à 22h.
Visuel : Shirley Jaffe, Le buisson ardent, 1982, huile sur toile, 147 x 225 cm - Collection Société Générale