Cette exposition propose de lever le voile sur un ensemble de réalisations et d’étapes emblématiques de l’histoire de l’art abstrait (ou non-figuratif) de l’après-guerre à nos jours afin d’en révéler certaines structures, sources ou orientations. Il s’agit de conduire le regard « sous le motif » de l’abstraction, c’est-à-dire au-delà des formes et apparences de ce langage esthétique, ici en inversant le principe, impressionniste, d’un art réalisé « sur le motif », c’est-à-dire en plein air, pinceaux et tubes de couleur à la main.
Dans un premier temps à La Défense et à Paris, l’événement réunit près de 70 artistes dont les tableaux, sculptures, reliefs, dessins, films, installations ou environnements, réalisés entre 1952 et 2022, proviennent d’une part de l’ample Collection Société Générale et, d’autre part, de prêts exceptionnels, de Zao Wou-Ki à Naama Tsabar, en passant par Ann Veronica Janssens, Bernard Frize, Aurelie Nemours, Katharina Grosse, Takis ou encore Giorgio Griffa.
Après l’ère de ses pionniers, comme Piet Mondrian ou Kasimir Malevitch, il importe de montrer que l’art abstrait s’est déployé et enrichi de façon considérable au cours de ces sept dernières décennies, au gré des tissages et des résonances entre ses nombreux courants, périodes et sensibilités : abstraction géométrique, gestuelle ou lyrique, art informel, monochromie, art optique et cinétique, colorfield abstraction, hard-edge, art perceptuel ou encore neo-geo, jusqu’à la polysémie de la période la plus actuelle.
L’art abstrait fut en effet longtemps mal compris du grand public, traditionnellement attaché à la figuration et à la mimèsis ou, autrement dit, à cette illusion à la fois saisissante et rassurante de l’« effet de réel », pour reprendre l’expression de Paul Virilio. Car le motif visuel de l’abstraction, ceci tous médiums et sensibilités confondus, a souvent été perçu comme un voile opaque – au sens d’« énigmatique » –, comme un formalisme privé de tout référent ou de tout lien à la réalité.
Dans cette exploration fondée sur de simples articulations historiques et stylistiques, ce langage particulier montre au contraire une grande diversité de ses sources, mais aussi de ses objectifs : musique, sciences cognitives, mathématiques, théorie de l’information, cybernétique, géométrie, cosmogonie, philosophie, industrie, hasard, ingénierie, chimie, optique, participation, ready-made, danse, phénoménologie de la perception et bien d’autres disciplines encore.
Plutôt qu’un résultat ou un style, l’abstraction est aussi abordée comme une spéculation sur les structures du visible, un questionnement constant de notre rapport à l’évidence autoritaire et souvent trompeuse des images, notamment par la présence accrue de celles-ci sur nos écrans de téléphone. Dans un parcours qui articule oeuvres emblématiques et découvertes surprenantes de l’art des soixante-dix dernières années, glissons-nous ainsi sous le motif, soit derrière les apparences riches et variées de cette forme d’art, au gré des expériences vivaces et des imaginaires distillés de chaque artiste.
Matthieu Poirier
À voir > : « Sous le motif – les structures de l’abstraction. 1952-2022 » dans les tours Société Générale, 17 cours Valmy, 92800 Puteaux, du lundi au vendredi de 10h à 18h - Réservez votre visite
Visuel © Stéphane Dafflon, « AST126 », 2009, acrylique sur toile (toile d’angle), 150 x 250 cm
Courtoisie de l’artiste